L’insurrection de la bonté

L’insurrection de la bonté

mai 2020
·
Fontenay-sous-Bois, France
Contributeur·rices :
Simple
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L’insurrection de la bonté

« Hausse des bénévoles dans les associations, mobilisation individuelle ou collective pour aider un voisin à faire ses courses ou fabriquer des masques de protection : cette crise, comme d’autres avant elle, a suscité une « insurrection de la bonté ». » Publié le 17 avril 2020 dans le Monde par Jessica Gourdon.

Bien sûr que comme dans toute crise, il y eu aussi des échecs, des individualités, des incivilités, des inégalités, des drames. Mais elle a aussi suscité des élans de générosités, et a créé un espace où chacun a pu se demander quelle place il pouvait avoir dans tout cela. Quel sens il donnait à son temps, à ses activités. S’il connaissait finalement ses voisins ? Son quartier ? Des groupes Facebook se sont créés, des mots sur les portes, des anonymes cousant des masques, d’autres envoyant des cookies à des équipes hospitalières… Nous avons vu des reportages sur certaines de ces initiatives, les plus visibles souvent, mais, rien n’a été plus touchant que de la percevoir à sa porte, à son balcon, au coin de sa rue.

Le 1er mai, jour de la Fête du Travail, chamboulée par le confinement, j’ai choisi de suivre ceux qui œuvraient à ma porte, dans ma ville, à vrai dire, à 100 mètres de chez moi. Il y avait là l’association En Action. Des Nogentais qui s’organisaient par eux-mêmes pour identifier les familles en difficulté, et leur proposer une aide alimentaire. La débrouille. Le bouche-à-oreille. Les bons plans, les commerçants généreux. Je les ai suivis une après-midi, afin de garder une trace, de témoigner, de leur dire merci. En partant déposer des cageots dans des hôtels sociaux et foyers d’accueil, nous sommes passés devant un barnum. Avec d’autres cageots, des boîtes de conserves, des légumes, quelques jouets, des sourires. A Fontenay-sous-Bois, il y avait aussi la même solidarité, la même envie d’être utiles. Il y avait là des bénévoles de l’association l’Effet Cairn, et de la Brigade de solidarité populaire, née pendant le confinement. Au fond des cageots, des questions, que soulèvent ces brigades qui se sont créées en Italie puis se sont essaimées : le sens ou l’obsolescence d’un Etat Providence, l’auto-organisation, une base territoriale. Accusant clairement les gouvernements et les politiques néo-libérales, les brigades de solidarité populaire affirment nous ne pouvons pas tout attendre de l’Etat. Mieux, elles appellent à des créations d’organisations collectives et de générer des solidarités concrètes.

Puis, le flot du quotidien a repris, bouillonnant. Les cageots ont été rangés dans des locaux poussiéreux. Les bénévoles ont déserté. Ils ont dévissé direction l’entreprise. Agglutinés dans le métro. Bloqués dans leur voiture. Rien n’a finalement changé ? Retour finalement à « l’anormal » ? Toutes ces bonnes résolutions jurées crachées, au goût pétillant de réveillon, noyées dans les flûtes de champagnes, enfin oubliées au fond des placards dans les boîtes à verres à pied. Peut-être. Ou bien. Cela a secoué. Cela a fait germer des idées. Des interrogations. Sur le sens de sa vie, sur sa place dans la société, sur l’éducation que nous voulons pour nos enfants. Sur ce temps après lequel nous courrons, en oubliant l’essentiel. Des envies. De partages plus sincères. De préserver la planète. De s’ouvrir à ses voisins. De s’impliquer dans son quartier. Aujourd’hui nous n’applaudissons plus aux balcons alors que les personnels soignants suent encore, sans grande revalorisation. Rien n’a globalement vraiment changé. Mais quand je sors sur mon balcon, et que je croise mes voisins du regard, maintenant, on se reconnaît, on se sourit, on se salue. Vous n’avez besoin de rien ? Et ça , peut être que ça change tout.